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l'existence determine la conscience

L'éditorial d’Information Ouvrière du 20 décembre 2007

22 Décembre 2007 , Rédigé par hans Publié dans #Corporatisme et intégration des syndicats

Un piège et comment n’y pas tomber

 

N° 825 - L'éditorial d’Information Ouvrière du 20 décembre

 


Est-ce « un piège » dans lequel seraient tombés les syndicats ? La question est posée par Le Figaro (1) à propos du « dialogue social » au centre de la conférence gouvernement-patronat-syndicats du 19 décembre.

 

Sarkozy ne s’en cache pas : il réunit les syndicats « pour leur présenter le programme des réformes à venir en 2008 et leur proposer de participer à leur élaboration ». Fillon précise : « L’essentiel des réformes économiques et sociales aura lieu en 2008. » Le porte-parole de l’Elysée précise « le programme de la conférence sociale : temps de travail, rémunération, allégement de charges, négociations salariales, travail dominical, réforme du marché du travail, formation professionnelle et conditions d’un dialogue social performant, avec notamment la question de la représentativité des organisations syndicales ». Autant de sujets qui « figuraient dans le discours social pro­noncé par Nicolas Sarkozy en septembre au Sénat » et sur lesquels il s’agit de « répartir les responsabilités entre le gouvernement et les partenaires sociaux » (1).

 

Il s’agirait donc, dans le cadre de la « feuille de route » fixée par Sarkozy en septembre dernier, de définir ce qui serait directement mis en œuvre par le gouvernement et ce qui serait au préalable élaboré en commun par patronat et syndicats ouvriers. Pour des raisons faciles à comprendre, le gouvernement a une préférence pour cette deuxième voie : ainsi associées à la définition des contre-réformes, les organisations syndicales seraient en peine, par la suite, de s’opposer à leur application.

 

La presse donne pour exemple les discussions en cours sur le contrat de travail. Mme Parisot, présidente du Medef, vient de déclarer : « Il est possible d’arriver à un accord » (2) avec les organisations syndicales autour d’une formule qui, quelle que soit sa forme définitive — « séparation à l’amiable », « contrat de projet », « CDI par mission », « CDD sur un objet précis et borné » — reviendrait à faire éclater le CDI, défini par le Code du travail comme le contrat de travail normal, et à généraliser précarité et individualisation.

 

Si tel était le cas, comment comprendre ?

 

Le quotidien patronal Les Echos souligne, pour s’en féliciter, que les confédérations syndicales formulent ces propositions, « initiative qui revient normalement au camp patronal » (3). Leur motivation pour agir de la sorte serait « d’avancer suffisamment loin pour empêcher le gouvernement de reprendre le dossier et d’imposer par la loi les mesures qu’ils n’auraient pas acceptées par accord ».

 

La loi portant sur la réforme du dialogue social votée il y a un an, et appliquée ici, n’apparaît-elle pas pour ce qu’elle est : un piège et un chantage pour les organisations syndicales (4) ?!

 

L’exigence d’éclatement des droits collectifs, entreprise par entreprise, mission par mission… et, au bout du compte, individu par individu, est une « revendication »… de la classe capitaliste, du gouvernement, de l’Union européenne.

 

La classe ouvrière, elle, s’est historiquement constituée comme classe dans le combat pour arracher et défendre ses droits collectifs. L’existence même des confédérations syndicales, héritières de la vieille CGT, se relie à la lutte de classe pour arracher les garanties collectives (conventions collectives, Sécurité sociale, statuts, CDI, etc.) contre l’individualisation des rapports sociaux à laquelle la classe capitaliste a toujours prétendu. 

 

C’est là, depuis deux siècles, le fondement du mouvement ouvrier. Que signifierait y renoncer, sinon s’engager dans une voie qui menace l’existence même des organisations ouvrières, leur indépendance et la démocratie politique, qui y est indissociablement reliée ?

 

Notons que, sur la méthode comme sur le contenu, ces problèmes nous ramènent à l’Union européenne.

 

Sur la méthode : le « dialogue social », visant à transformer les syndicats en instruments des contre-réformes, n’est que la transposition en France des orientations de Bruxelles.

 

Sur le fond : les discussions en cours sur le contrat de travail sont officiellement présentées comme l’application en France des exigences de la flexicurité, dont les principes communs viennent d’être adoptés par le sommet européen du 14 décembre 2007 (5).

 

Méthode et contenu expriment ici le caractère profondément corporatiste (6) et antidémocratique des traités de Maastricht et de Lisbonne, qui les contiennent.

 

La situation est grave. Il n’y a pas de démocratie sans indépendance des syndicats. Il n’y a pas de classe ouvrière organisée autrement que par et dans la défense des garanties collectives. Et de fait, on peut conclure qu’il n’y a pas de place pour la démocratie dans le carcan imposé par l’Union européenne.

 

Aux plans de Sarkozy et de l’Union européenne, qui voudraient faire de 2008 l’année de l’instauration du corpora­tisme, les travailleurs sont en droit d’opposer leurs propres intérêts.

 

Que 2008 soit l’année de l’indépendance préservée des organisations de classe, de la défense et de la reconquête des droits collectifs, l’année du coup d’arrêt à la politique destructrice de l’Union européenne. Et pour toutes ces raisons, 2008 sera l’année de la fondation du parti ouvrier indépendant.

 

Daniel Gluckstein


(1) Le Figaro, 17 décembre 2007. 

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