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l'existence determine la conscience

Edito Informations Ouvrières : “Equipes de tri”

17 Mai 2008 , Rédigé par hans Publié dans #Secu - santé - retraites

Faut-il, pour résoudre la crise majeure qui frappe le pays, remettre en cause l’Union européenne ?

Certainement pas, répondent les dirigeants du Parti socialiste, parti qui « agit dans l’Union européenne, qu’il a non seulement voulue, mais en partie conçue et fondée » (1). Certainement pas, ré­pondent les dirigeants du Parti communiste français, pour qui il suffirait de « réorienter les structures et les politiques de l’Union européenne » (2).

Certainement pas, répond Besancenot, qui, en trois heures de télévision grande écoute, n’évoque pas une seule fois la responsabilité de l’Union européenne (3).

N’est-ce pas là pourtant la question centrale ?

Qu’on en juge à partir des faits.

On lit dans une dépêche d’Associated Press (5 mai 2008) l’information suivante à propos des Etats-Unis : « Les médecins savent qu’en cas de pandémie de grippe ou d’autres désastres, un certain nombre de malades ne pourront pas bénéficier de soins vitaux. Le dilemme sera de décider qui doit mourir (…). Une liste de recommandations concernant les patients qui ne seraient pas traités (a été dressée par — NDLR) les membres d’une commission venue d’universités prestigieuses, de groupes médicaux, d’agences du gouvernement et de l’armée (…). Les indications doivent faire l’objet de lignes directrices pour les hôpitaux “de manière à ce que chacun réfléchisse de la même manière” en cas d’épidémie (…). L’idée est d’essayer de garantir que les ressources limitées — incluant les ventilateurs, les médicaments, les médecins et les infirmières — seront utilisées d’une manière objective et uniforme (…). Pour s’y préparer, les hôpitaux devraient désigner une équipe de tri chargée de décider qui bénéficiera des soins permettant de sauver leur vie et qui n’en bénéficiera pas » (4).

Selon la dépêche, seraient exclus des soins en priorité « les citoyens les plus pauvres et les plus démunis ».

Comment qualifier cela, sinon de marche à la barbarie, qui, dans ses moindres détails, évoque de sinistres précédents ?

On objectera peut-être qu’il s’agit là des Etats-Unis et que nous ne sommes pas concernés ?

Précisément… Conquête arrachée par le mouvement ouvrier en 1945, la Sécurité sociale est une institution fondée sur la solidarité ouvrière, qui, encore aujourd’hui et en dépit de toutes les attaques déjà portées, stipule : « L’organisation de la Sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale. Elle garantit les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain (…). Indépendamment de son âge et de son état de santé, chaque assuré social bénéficie contre le risque et les conséquences de la maladie d’une protection qu’il finance selon ses ressources » (5).

C’est donc sans aucune considération de coût et a fortiori de revenu que la Sécurité sociale a été fondée pour, comme cela est dit, « la protection » du travailleur et de sa famille.

A ce principe de protection solidaire s’oppose depuis 1992 le traité de Maastricht, qui prétend enfermer la Sécurité sociale dans un budget, devenu enveloppe fermée en 2004, se réduisant d’année en année, tandis que les patrons sont chaque année un peu plus exonérés des cotisations qu’ils doivent (6).

De contre-réforme en contre-réforme, on en arrive à une situation où, au prétexte du « trou » et du respect des critères de Maastricht, la Sécurité sociale réduit sa prise en charge à peau de chagrin, les assurances privées étant invitées à envahir ce juteux marché qui, jusque-là, leur échappait. Tels sont les diktats de l’Union européenne... au nom de la « concurrence libre et non faussée ». C’est l’individualisation substituée à la solidarité. Au bout du compte… les riches se soigneront… et les pauvres ?

Sommes-nous très loin des sinistres « équipes de tri » qu’on veut installer dans les hôpitaux américains ?

Alors oui, comme le dit l’appel du comité permanent, ça ne peut plus durer !

La marche à la barbarie doit être stoppée. L’unité nécessaire pour sauver la Sécurité sociale de 1945, les retraites, les services publics et les droits ouvriers met à l’ordre du jour — que cela plaise ou non, et au risque de rompre le consensus — la rupture avec l’Union européenne.

Barbarie ou civilisation : telle est l’alternative sur laquelle chacun doit se prononcer.

 

Daniel Gluckstein

 

(1) Déclaration de principes du PS.       

(2) Site du PCF « Nos propositions : 4 initiatives fortes pour réorienter la construction européenne ».           

(3) Lire page 5.        

(4) Pour le lecteur horrifié qui douterait de la traduction, la formulation en anglais est : « To prepare, hospitals should designate a triage team with the task of deciding who will and who won’t get lifesaving care. »           

(5) Code de la Sécurité sociale.  

(6) Instaurées par le Premier ministre socialiste Michel Rocard en 1991, les exonérations, qui n’ont cessé d’augmenter sous tous les gouvernements de toutes couleurs politiques, totalisent aujourd’hui plus de 200 milliards d’euros, bien plus que les prétendus déficits

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