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l'existence determine la conscience

Les "mauvais clients" de Christine Ockrent

18 Avril 2007 , Rédigé par acrimed Publié dans #médias

Les « mauvais clients » de Christine Ockrent (avec des vidéos à l’appui, consultables sur le site d’ACRIMED) Acrimed - observatoire des médias. Action - Critique - Média

publié le 17 avril 2007


L’égalité du temps de parole est un casse-tête pour les médias audiovisuels. Casse-tête surtout quand les candidats de gauche, non PS, représentent près de la moitié des postulants à l’Elysée et donc du temps de parole. Besancenot, Laguiller, Bové, Schivardi, Buffet, Voynet, ces « petits » candidats n’ont eu qu’un accès très limité (voire nul) dans les médias durant les 4 ans et 11 mois qui ont précédé l’actuelle présidentielle.

Depuis la publication de la liste officielle des candidats, ils bénéficient, mais pendant seulement quelques semaines, d’une session de rattrapage involontaire : il faut bien admettre que pour des journalistes qui n’épousent guère leurs opinions, c’est difficile à endurer. Surtout pour des partisans de l’Europe libérale tels que le trio Christine Ockrent, Jean-Michel Blier et Serge July qui officient- il faut le rappeler - , non dans les colonnes d’un journal de parti pris, mais sur une chaîne du service public (France 3).

 

Quoi que l’on pense de l’orientation des candidats en question, qu’on les approuve ou qu’on les réprouve, force est de constater que leurs interventions peuvent être de puissants révélateurs de la fonction de ces journalistes politiques quand ils sont confrontés à des représentants qui n’entrent pas dans le périmètre restreint des discussions convenues et conformes avec les « grands » candidats.

Premier test : Christine Ockrent face à Daniel Gluckstein

Contraints de donner un temps de parole à ces « petits » candidats, ils ne sont pas toutefois obligés de les considérer avec autant de déférence que leurs favoris. Le mépris, le regard évasif, le ton expéditif, sont les ingrédients qui parsèment l’interview d’un « petit » candidat par un « grand » journaliste.

Le 1er avril 2007, dans France Europe Express sur France 3, outre la porte-parole de Sarkozy (Rachida Dati), Ockrent et Cie ont, temps de parole oblige, ouvert leur micro à Frédéric Nihous, Alain Krivine (porte-parole de Olivier Besancenot) et Daniel Gluckstein (du Parti des Travailleurs, et porte-parole de Gérard Schivardi).

Notre trio de journalistes a su saupoudrer la discussion de l’arrogance qui leur semble indispensable à ce genre d’entretien. Christine Ockrent commence par manier le sarcasme de service public en présentant Alain Krivine et Daniel Gluckstein : « Vous remarquerez tous les deux que nous avons pris soin de vous séparer parce que pour tous les amateurs, n’est-ce pas, de topologie trotskyste, il est très important de séparer, bien évidemment, la LCR et les lambertistes. »

Cet humour condescendant est le même qui vise Frédéric Nihous : « franchement, au scrutin précédent, le moins qu’on puisse dire, c’est que votre formation n’avait pas fait ... un tabac ! », ironise Ockrent avec une mimique réprobatrice. Blagueuse, la présentatrice récidive dans sa tentative de traiter les positions de son interlocuteur par la dérision : « Mais pour vous, quels devraient être les remèdes ? (...) Tous à la chasse, ou ... ? »

Tous les interlocuteurs de Christine Ockrent n’ont pas droit à de tels exercices de style. Tous ne sont pas traités comme des marionnettes. Tous les interrogatoires ne sont pas des traquenards. Quand ils le sont, encore faut-il trouver des « clients » prêts à se plier aux exigences et à se soumettre aux sommations des journalistes.

Ce soir-là, Daniel Gluckstein, dans le rôle du « mauvais client » ne s’est pas laissé dompter par les assignations intempestives de ses interviewers. La preuve par l’image et par la transcription.

(...)
- Christine Ockrent : (...) C’était déjà, me semble-t-il, votre plate-forme en 2002.
- Daniel Gluckstein : C’est exact, mais à l’époque, il n’y avait pas de maire qui se présentait : c’est ce qui fait la différence...
- Christine Ockrent : Et donc là, vous aviez fait 0,47% des voix !
- Daniel Gluckstein : Si vous le permettez, je voudrais revenir sur la question qui était posée...
- Christine Ockrent (méprisante) : N’est-ce pas Monsieur ? Non mais... Que je ne fasse pas d’erreur à votre égard, je m’en voudrais... !
- Daniel Gluckstein : C’est une information d’une très grande importance. Vous avez raison de le souligner...
- Christine Ockrent : Ah bien, c’est important dans une campagne électorale...le résultat ! Non ?
- Daniel Gluckstein : Tout à fait. Ce qui est plus important c’est le débat qui est posé, si vous le permettez...
- Christine Ockrent : Ah bon ! Alors, vous êtes là pour le débat, vous n’êtes pas là pour le résultat ?
- Daniel Gluckstein : Oh, Madame Ockrent.
- Christine Ockrent : Non mais j’essaie de comprendre, Monsieur Gluckstein, puisque vous m’en voulez de rappeler votre résultat en 2002. Ça me paraît légitime
- Daniel Gluckstein : Moi ? Je vous en veux de quoi que ce soit ? Je vous en veux de ne pas me laisser parler... C’est un autre problème.
- Christine Ockrent : Ah bon mais allez-y Monsieur Gluckstein. Vous voulez parler de quoi, puisque vous ne répondez pas à nos questions ?
- Daniel Gluckstein : Je voulais parler de ce qui était dans le débat, Madame Ockrent
- Christine Ockrent : Dans le débat tel que vous le concevez...
- Daniel Gluckstein : Non, le débat tel que vous le posez ...
- Christine Ockrent : Allez-y, allez-y !
- Daniel Gluckstein : Je ne sais pas pourquoi vous avez cette agressivité, Madame Ockrent ? C’est très peu professionnel de votre part
- Christine Ockrent : Ah mais pas du tout ! (se tournant et prenant les présents derrière elle, à témoin) Je suis absolument exquise et souriante, comme d’habitude.
- Daniel Gluckstein : C’est votre appréciation. (...)

Plus tard :

- Christine Ockrent : Encore une fois, nous avons la comptabilité des temps de parole. Donc, bien sûr, vous pouvez répliquer, mais ça nous laissera un peu moins de temps pour la suite.
- Daniel Gluckstein : J’entends bien, j’ai confiance en votre sens de l’équité, Madame Ockrent.
- Jean-Michel Blier : De l’égalité.
- Daniel Gluckstein : En ce qui nous concerne, l’équité, ça serait déjà un grand progrès. (...)

En fin d’émission, l’échange entre Serge July et Daniel Gluckstein est du même acabit. La première question de Serge July donne le ton :

- Serge July : Vous n’avez aucune difficulté à dire que vous dirigez un parti qui est d’origine trotskyste. Alors je vous pose la question parce que, en tout cas, quand on a posé à Monsieur Schivardi qui est votre candidat quelle était la nature de la relation qu’il avait avec vous, il dit « moi je ne suis pas du tout trotskiste, je sais même pas ce que c’est le trotskyste » Alors est-ce que vous avez trouvé un gogo intégral, ou est-ce que c’est une taupe ?
- Daniel Gluckstein : Ecoutez, c’est votre conception de la politique, Gérard Schivardi...
- Serge July : Je pose ma question de manière directe.
- Daniel Gluckstein : De manière pas très élégante, en tout cas. [1] (...)

Qui aurait osé poser, sous une forme aussi « directe » et « élégante », une telle question à Rothschild lors de son entrée dans le capital de Libération à propos de ... Serge July  : « Alors est-ce que vous avez trouvé un gogo intégral, ou est-ce que c’est une taupe ? »

(…)

En refusant de se plier aux exigences des « grands » journalistes, les « petits » candidats rappellent qu’il est légitime de résister aux abus de pouvoir des tenanciers des émissions de « débat », que les conflits avec eux peuvent et doivent être assumés : batailles de mots, certes, mais tellement rares qu’elles méritent d’être relevées [2].


Collectif

Avec Jamel, Jean-François, Henri, Mathias et Thierry à la transcription, et Ricar à la vidéo.

NB. Faut-il le rappeler, une fois encore ? Acrimed ne soutient aucun candidat.


 


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