Edito d'information ouvrière de la semaine
La “masse”
"Je ne serai pas celui qui reculera sur la réforme.». Ainsi s'exprimait Sarkozy, il y a
seulement quelques jours. Aumêmemoment, Darcos assurait qu'il ne deviendrait
jamais leministre « de l'hésitation nationale » et se vantait de l'accord passé avec les
dirigeants des organisations syndicalesmajoritaires. Alors, que s'est-il passé pour
que, ce 15 décembre, soit annoncé le report d'un an de la contre-réforme des lycées ?
A cette question, une seule réponse possible : la masse a été plus forte que tous les
calculs des « sommets » divers et variés. La masse des enseignants mobilisés dans la
grève massive du 20 novembre sur le mot d'ordre d'abandon des réformes Darcos.
La masse des lycéens déferlant chaque jour plus nombreux pour le retrait de la
réforme. La masse des jeunes qui, en Grèce, avec l'appui de toute la population, s'est
dressée contre la politique du gouvernement. La masse des jeunes qui, dans toute
l'Europe, se dresse pour son avenir.
« Je ne peux pas courir le risque de voir cette réforme devenir l'étincelle qui mette le
feu aux poudres », a déclaré Darcos.
Pas d'étincelle Darcos, donc, du moins cette fois-ci.
Mais la matière inflammable est accumulée. Il est de la plus haute importance de ne
pas minimiser la signification de ce mouvement de la masse en France et dans toute
l'Europe qui contraint à un recul que tous cherchent à prévenir. Certes, on ne saurait
non plus minimiser les obstacles, notamment de ceux qui voudraient que, différées,
les contre-réformes s'appliquent malgré tout : depuis le gouvernement (qui prétend
différer et non retirer) jusqu'à Bruno Julliard, nouveau secrétaire national du PS, qui
déclare après l'annonce du report : « Il faut évidemment élaborer cette réforme », et
précise : « Diminuer le nombre de cours, pourquoi pas ? », allant à l'encontre de
toutes les exigences des enseignants et des jeunes.
Il n'en demeure pas moins que la preuve en est apportée une nouvelle fois : le
mouvement de la masse unie sur des revendications précises peut l'emporter sur
tous les calculs des appareils au sommet. C'est bien la lutte de classe qui est à
l'ordre du jour, l'action commune, le tous ensemble, sur des mots d'ordre clairs
répondant aux revendications. C'est vrai dans l'enseignement primaire avec
l'exigence du retrait des décrets Darcos et du rétablissement des postes d'enseignant
spécialisé ; c'est vrai pour l'abandon de la privatisation de La Poste, du retrait des
projets de loi Bachelot, Boutin, etc.
C'est vrai tout autant sur la question cruciale des licenciements.
Un marasme sans précédent menace. Si la lutte de classe unie a pu faire reculer sur la
contre-réformeDarcos, elle peut faire annuler les suppressions d'emplois
programmées dans la fonction publique d'Etat (120 000 dans les trois prochaines
années), dans l'Education nationale, dans les hôpitaux. Elle peut contraindre au
maintien des emplois dans les secteurs industriels clés, quitte, comme le dit l'appel
de la conférence pour l'unité du 7 décembre à l'initiative du POI, à nationaliser (1) les
entreprises qui s'opposeraient à cette exigence. Qu'y a-t-il de plus urgent que de
réaliser l'unité, pour le tous ensemble, pour imposer ces mesures de salut public ?
DANIEL GLUCKSTEIN
(1) En Argentine, le gouvernement deMme Kirchner, pourtant peu progressiste,
vient de nationaliser les systèmes de retraite, constitués par les fonds de pension,
arguant de « la nécessité de protéger l'épargne des Argentins des turbulences
des marchés financiers mondiaux ».